Depuis 2017, j’avais déjà expérimenté différents vélos solaires : vélo droit avec remorque solaire, puis vélo couché avec remorque pour le tour de France 2020 et le tour d’Europe 2021.
En prévision des dénivelés du Sun Trip Alpes 2022, je souhaitais revenir au vélo droit. L’idée était de pouvoir pédaler en danseuse en cas de besoin. Et pour gagner du poids, j’ai abandonné la remorque au profit d’une toiture solaire. Mon inquiétude concernait la prise au vent, plus importante à vélo droit qu’à vélo couché. Mais j’étais inspiré et rassuré par les expériences réussies de Daniel Jenni et Sybille Felder sur vélo droit, et de Peter Helsen sur vélo cargo.
Description technique
Le vélo
J’ai réutilisé un vélo Matra à assistance électrique dont je n’ai conservé que la partie cycle. Je le considère comme un vélo gravel : sa géométrie me convient bien, il accepte les roues en 28″ ou 26″ grâce aux freins à disque et j’ai installé un cintre de route qui autorise de multiples positions, appréciables lors des longues journées de voyage. Les autres équipements sont :
- fourche suspendue FOX RL100 en remplacement de la fourche rigide d’origine. Je souhaitais pouvoir encaisser les éventuels trous sur la route (souvenir d’une chute mémorable en Hongrie, en 2021!);
- roues Mavic Crossmax, issues de mon VTT, pour pouvoir quitter le bitume au besoin;
- pneus Schwalbe Marathon Tour Plus, pour éviter les crevaisons;
- freins mécaniques TRP Spyre.
La motorisation
Pour ce voyage à travers les Alpes, j’ai abandonné le moteur Direct Drive sur roue que j’ai utilisé les années précédentes. La raison est la surchauffe dans les longs cols qui m’obligeait à m’arrêter pour laisser refroidir (expériences dans les Pyrénées et les Alpes).
J’ai opté pour un moteur pédalier Bafang BBS02, à mon avis plus adapté aux dénivelés. J’ai hésité à ajouter, en plus, mon moteur roue Direct Drive qui aurait permis la régénération et donc la recharge de la batterie dans les descentes. Mais comme je souhaitais alléger le vélo, j’ai renoncé à cette option.
J’ai acheté deux accessoires supplémentaires, non fournis d’origine dans le kit de motorisation :
- un capteur de changement de vitesse: il permet au système de couper l’alimentation du moteur lorsqu’on utilise le dérailleur. Lorsque le niveau d’assistance est élevé, je le considère comme indispensable pour limiter les à-coups et préserver la chaîne.
- un câble de connexion USB TTL ; en reliant le contrôleur du moteur Bafang à un smartphone (via une application comme Speed, Bafang Go), il permet de changer les paramètres de motorisation, et notamment les puissance et vitesse max pour chaque niveau d’assistance… Il faut savoir en effet que le paramétrage par défaut des niveaux d’assistance est très consommateur en énergie. Il est judicieux de régler l’assistance à un niveau “plus raisonnable” pour les journées nuageuses. Il est aussi possible d’enregistrer des fichiers de paramétrage, par ex. (1)grand soleil / (2)nuages et de les réinjecter en fonction du contexte météo / dénivelé.
L’équipement solaire
Installer des panneaux solaires sur un vélo droit pose une série de problèmes à résoudre : quels points d’ancrage pour la toiture, quelle hauteur, quelle surface de panneaux, quelle structure porteuse…?
Au final, j’ai installé :
- un support horizontal à l’avant, qui prolonge le cadre et qui est solidarisé à la douille de direction par des plaques en acier. Il supporte un tube vertical qui constitue le premier point d’appui de la toiture.
- un support à l’arrière, fixé sur le cadre, au niveau des trous prévus pour le porte-bagage. Il a été réalisé à partir d’un vieux cadre de vélo (j’ai gardé le triangle arrière). Il supporte un tube vertical, deuxième point d’appui principal de la toiture, et un tube oblique qui limite les oscillations avant/arrière de la toiture.
J’ai commencé à le tester avec 3 panneaux solaires soit une surface de 1,5 m². Comme le comportement était très satisfaisant, j’ai allongé la toiture arrivant à 2 m² de surface exposée, soit une puissance de 400 Wc. Dimension totale : 2,70m x 80cm.
Les panneaux sont orientables, en roulant ou à l’arrêt. Une cordelette permet de régler et maintenir l’inclinaison souhaitée. J’ai hésité à utiliser des silent blocs comme point de fixation de la toiture, mais finalement, j’ai recyclé d’anciennes potences et ça a fonctionné parfaitement.
Compte-rendu d’expérience
J’ai été globalement satisfait de ce vélo, il correspondait plutôt bien à mes attentes, pour un coût de 2000 € tout compris.
Poids global
J’ai réussi à contenir le poids à vide du véhicule à 42 kg (vélo, motorisation, solarisation) ce qui me semble important en montagne (mais le vélo le plus léger du Sun Trip Alpes était celui d’Émile avec ses 30 kg seulement!). D’autant que pour un vélo en condition de voyage, il fallait ajouter mes bagages et sacoches (11 kg), une trousse de réparation avec outils et pièces de rechange (2,5 kg), sans compter l’eau et la nourriture au quotidien. Ce qui donne au final un véhicule dont le poids s’approche des 60 kg.
Motorisation
J’ai pu constater l’efficacité du moteur pédalier par rapport au moteur roue que j’avais précédemment. Dans le col du Stelvio en 2022, j’ai fait l’ascension sans peine et d’une traite alors qu’en 2021, j’avais dû m’arrêter pour laisser refroidir le moteur roue. Je l’ai vérifié à chaque col. Le gain de poids en 2022 (-20kg) a certainement contribué aussi à cette réussite.
Par ailleurs, j’ai beaucoup apprécié la possibilité de reprogrammer les niveaux d’assistance en fonction des besoins (météo/dénivelé). Et si la météo avait été moins bonne, ça aurait été encore plus décisif pour économiser l’énergie.
Système électrique
Une surprise : la console de d’affichage et de commande s’est un jour éteinte définitivement, sans raison particulière. Heureusement, j’avais paré à cette éventualité en emportant un écran de rechange dans ma trousse de secours, et en 5 minutes, c’était réparé. Cela confirme que certains éléments électriques sont fragiles et qu’emporter du rechange peut vous tirer d’affaire à l’étranger.
Autre surprise : trois jours après une pluie torrentielle, mon assistance électrique était défaillante. La cause en était l’humidité qui s’était infiltrée dans le contrôleur intégré au moteur. Une fois séché, tout est rentré dans l’ordre, mais sur le moment, ça a été une source d’inquiétude. Aujourd’hui, j’ai refait l’étanchéité en ajoutant du mastic silicone.
Au voyageur qui part au bout du monde, je conseillerais même d’emporter un contrôleur de rechange (440g), c’est une source de sérénité. Pour celui qui ne souhaite pas se surcharger, l’alternative serait de le laisser à un ami capable de l’expédier à tout moment.
Régénération
Je n’ai pas souffert de l’absence de régénération dans les descentes. Je considère que ce bilan est lié aux conditions météo très favorables durant ce Sun Trip Alpes. J’ai conscience que si le soleil avait été rare, j’aurais regretté de ne pas pouvoir produire de l’énergie dans les longues descentes.
Structure porteuse
Les premiers essais effectués autour de chez moi m’ont permis de réaliser rapidement que les tubes pivot utilisés étaient trop fins (épaisseur : 0,6mm). J’ai finalement opté pour des tubes acier d’épaisseur 1,2mm. Par ailleurs, je me suis rendu compte que les ruptures s’étaient toujours produites à partir d’un trou percé pour le passage d’une vis. Les flexions répétées des tubes éprouvaient ces points de fragilité. Du coup, dans mes prochaines construction, j’essaierai d’éviter ce mode de fixation.
En situation de voyage, après 5000 km, j’en conclus que ma construction s’est globalement bien comportée, la souplesse de la structure permettant d’amortir les chocs.
Je recommande d’emporter avec soi un peu de mat de verre et de résine époxy bi-composant. Cela permet toute sorte de réparation pour un poids raisonnable (300g). En effectuant la réparation en fin de journée, au camping, on retrouve au matin la résine qui a durci la fibre de verre enroulée autour de la partie cassée. Dans le tour d’Europe 2021, ça a sauvé plusieurs fois mon voyage ! En 2022, j’ai pu aider Kilian à réparer une pièce maîtresse de sa structure solaire.
Comportement de la toiture
Pendant 3 semaines, j’ai roulé à travers les Alpes sans me soucier du vent. Mais le dernier jour, nous avons traversé la vallée du Rhône avec des rafales de travers qui apportaient beaucoup de stress à la conduite. A l’avenir, j’aimerais tester une construction intégrant des silent blocs pour amortir les rafales. En effet, Sybille Felder n’a pas eu le même ressenti sur cette journée, et ses silent blocs donnaient une grande flexibilité à sa toiture qui absorbait bien les assauts du vent.
Surface solaire
En moyenne, mes 2 m² de panneaux ont produit 1650 Wh par jour. Ils ont produit plus d’énergie que les 2,5 m² que j’avais lors de mon voyage autour de l’Europe en 2021 (en moyenne 1550 Wh / jour). Cette performance est vraisemblablement liée à plusieurs facteurs :
– une température plus fraîche en montagne permettant un meilleur rendement des panneaux,
– un meilleur ensoleillement,
– tous les panneaux en toiture (en 2021, les panneaux en toiture pouvaient faire de l’ombre aux panneaux de la remorque).
Coût du véhicule
Équipements | Prix |
Vélo Matra, fourche Fox F100 RL, roues Mavic (matériel d’occasion) | 380€ |
Kit moteur pédalier Bafang BBS02 – 48V – 750W | 360€ |
Accessoires : capteur changement vitesse, câble de programmation, console de rechange | 60€ |
Batterie 52 V 1080Wh | 480€ |
Structure porteuse des panneaux solaires : matériel de récup ou acheté à un atelier participatif de réparation de vélo La Rustine ou Emmaüs | 55€ |
Panneau solaire Linksolar 5×6=30 cellules, 100 Wc – 4 panneaux | 660€ |
Total | 1995€ |
Mon prochain vélo solaire
Aujourd’hui, je travaille à deux projets différents :
- construction d’un vélo droit avec des panneaux devant et derrière, à hauteur du guidon et de la selle. L’idée est d’expérimenter un vélo moins sensible au vent et si possible facilement démontable pour monter dans un train sans difficulté;
- construction d’un tandem solaire avec les panneaux en toiture.