Le trike solaire de Jean-Louis M.

Introduction

Mon envie de concevoir un vélo à assistance électrique ne date pas d’hier. Elle remonte à plus de 50 ans dans la cave de mon grand-père ! Mais à l’époque, je ne disposais pas des moyens nécessaires pour concrétiser ce projet, juste un gros moteur basse tension et une grosse batterie de voiture.

Aujourd’hui, les choses ont bien changé : pour mon premier vélo solaire, je suis parti d’un vélo à assistance électrique que j’avais réalisé en 2011. J’y ai ajouté, en 202, une remorque solaire équipée d’un panneau de 140 W pour recharger la batterie. Avec cet ensemble, j’ai parcouru environ 1500 km, une expérience qui m’a enthousiasmé et donné envie d’aller plus loin.

C’est à cette période que j’ai rencontré Stéphane, qui m’a fait découvrir le Sun Trip, une aventure extraordinaire où l’on parcourt des milliers de kilomètres à vélo en utilisant uniquement l’énergie solaire pour avancer. J’ai trouvé cette idée géniale. Mais pour y participer, il me fallait concevoir quelque chose de plus puissant et surtout plus confortable. Je voulais participer au Sun Trip 2023 !

Mon équipement

Le vélo

En automne 2022, j’ai fait l’acquisition d’un trike HP Velotechnik d’occasion et j’ai aussitôt commencé sa transformation pour répondre à mes besoins. Ce choix s’est imposé comme une évidence : le trike offrait à la fois stabilité, confort et une base idéale pour intégrer des panneaux solaires et une assistance électrique performante.

La motorisation

Comme d’autres Suntripeurs, je décide d’opter pour une double motorisation : un moteur pédalier combiné à un moteur roue Direct Drive. Je commence par assembler les moteurs et effectuer quelques tests statiques succincts, exercice que j’ai déjà fait avec mon précédent vélo. Les résultats sont concluants : je peux donc passer à l’étape suivante.

La batterie

J’opte pour deux batteries de 1000 Wh chacune.

L’équipement solaire ou la remorque solaire

Je choisis d’installer trois panneaux de 130 W chacun qui seront orientable en manuel ou en automatique grâce à un capteur de ma conception.

Conception technique

Il me faut maintenant réaliser une maquette pour visualiser à quoi le projet final ressemblera. Pour cela, j’utilise des profilés en bois de 20 x 20 mm, que j’assemble de la manière la plus pratique et intuitive possible. Je prévois également de renforcer la solidité du trike en ajoutant des renforts structurels afin d’optimiser sa robustesse. En effet, si certains préfèrent apporter une certaine souplesse à leurs réalisations, de mon côté, je privilégie plutôt la robustesse. Ce choix a cependant un coût, mais nous y reviendrons plus tard…

Lors de la réalisation de l’esquisse de mon futur trike solaire, je dois également prévoir des emplacements pour accueillir :
• les deux batteries de 1000 Wh chacune,
• les 3 régulateurs solaires pour chacun des trois panneaux,
• le contrôleur du moteur arrière
• ainsi qu’un microcontrôleur Arduino destiné à gérer automatiquement l’orientation du panneau solaire, les éclairages et les signaux lumineux divers.
Ces éléments, en particulier les batteries, étant assez lourds, je dois veiller à les positionner le plus bas possible afin de maintenir un centre de gravité bas. Cela est essentiel pour assurer une bonne stabilité dans les virages et garantir une conduite sécurisée et efficace.

Commande du matériel
Après l’élaboration du cahier des charges et l’établissement d’une liste précise des composants nécessaires, je passe à l’étape suivante : la commande du matériel auprès de différents fournisseurs spécialisés.
La commande la plus importante, après la motorisation et les panneaux photovoltaïques, concerne l’achat de tubes en aluminium de section 20 x 20 mm, que je trouve dans une boutique en ligne spécialisée.
S’ajoute ensuite une foultitude de quincaillerie : vis, écrous, rivets Pop, etc. Je préfère ne pas compter le nombre d’aller-retour au magasin de bricolage local pour compléter ces achats !
Côté électronique, le processus est similaire, mais la majorité des commandes se fait par internet, tout comme pour les accessoires spécifiques pour vélos.

Réalisation mécanique

Il est temps de se retrousser les manches : mesures, sciage des tubes aluminium, perçages et ajout de goussets avec une bonne dose de rivets Pop inox.

Pour fixer le châssis des panneaux, j’ai conçu deux sabots qui répartissent les efforts tout en préservant les éléments fragiles, notamment les vis de blocage des suspensions avant.

Un détail important : j’ai conçu les boîtiers des deux batteries pour permettre leur éjection rapide en cas d’incendie. Ce système repose sur un verrouillage à gâche, libérant chaque batterie par un simple tirage sur une poignée dédiée à l’éjection. La déconnexion électrique s’effectue simultanément.

Je fabrique également quatre boîtiers en contreplaqué pour accueillir les deux batteries, les chargeurs, ainsi que les contrôleurs du moteur arrière et de la motorisation des panneaux. Chaque boîtier intègre un système de ventilation, dont deux à commande automatique. Ces boîtiers offrent une protection efficace contre la pluie et la boue.

À l’arrière du trike, j’ai repris la fixation du nouveau châssis sur celle du porte-bagages, en augmentant sa résistance pour installer les quatre boîtiers.
J’ai ajouté un ensemble de deux profilés aluminium carrés emboîtés, pour soutenir le poids des batteries, garantissant ainsi une résistance optimale.
Les bagages seront déposés sur ces boîtiers et maintenus à l’aide d’un filet sur l’extérieur.

Les trois panneaux photovoltaïques de 240 cm x 80 cm sont montés sur un cadre en aluminium, qui peut s’incliner à droite et à gauche d’environ 75° grâce à un vérin électrique.
Tout les angles sont renforcés par des goussets en aluminium. La visserie et les rivets sont pour la plupart en inox.

Réalisation électrique et électronique

L’électronique étant mon métier, je dois avouer m’être accordé quelques plaisirs sur ce point. J’essaierai cependant de rester concis. Par ailleurs, je tenais à éviter de transformer cet aspect de mon vélo en une « usine à gaz », car chacun sait que la complexité augmente le risque de panne. Toutefois, les 16 000 km déjà parcourus ont démontré la fiabilité de cette aspect.
Certains termes ou techniques que j’utiliserai ne seront peut-être pas clairs pour tout le monde. Je reste donc disponible pour fournir des explications supplémentaires si besoin.

Les batteries

Deux batteries de 48 V 21 Ah Lithium alimentent le trike, connectées en parallèle. J’ai conçu deux relais statiques à base de MOSFET de puissance, permettant de couper facilement l’alimentation des contrôleurs des moteurs à l’aide d’un simple interrupteur. Ce MOSFET, particulièrement performant, peut gérer jusqu’à 200 ampères sous 100 volts. Il s’agit du modèle IXFK200N10P de chez IXYS, disponible pour environ 20 € pièce chez mouser.fr

L’alimentation 48 V alimente également un abaisseur de tension pour fournir du 12 V sous 20 A. Cet abaisseur est commandé par le même modèle de MOSFET et un interrupteur. La tension 12 V alimente le vérin du panneau, l’éclairage, un microcontrôleur, et comprend une sortie dédiée pour connecter des accessoires externes. (Radio, téléphone, GPS….)

Les moteurs

Mon trike est équipé de deux moteurs aux caractéristiques distinctes. Le moteur avant est un moteur pédalier BAFANG. Il est équipé d’engrenages, ce qui lui permet de délivrer un couple élevé tout en restant compact. Sa température est surveillée en permanence. Facile à installer, il offre une grande polyvalence et s’intègre bien à la place du pédalier d’origine.

Le moteur arrière, quant à lui, est un moteur roue Direct Drive, de marque Nine Continent – modèle RH212, vendu par GRIN Technologie Europe. Contrairement au moteur avant, il ne contient aucun engrenage, ce qui simplifie sa conception et réduit les sources potentielles de panne. Les seules pièces d’usure sont deux roulements à billes étanches, lubrifiés à vie, assurant une longévité exceptionnelle. Cependant, pour maintenir sa fiabilité, comme pour le moteur avant, il est crucial de surveiller sa température, surtout lors d’efforts prolongés ou en conditions exigeantes. Pour cette raison, préférez un contrôleur performant capable de vérifier tout ces paramètres.
Ces deux moteurs fonctionnent de manière complémentaire. Le moteur arrière est principalement utilisé sur terrain plat ou en pente légère, où il assure une propulsion constante. Lorsque la pente devient plus raide et que la vitesse descend en dessous d’un certain seuil, le moteur avant prend le relais pour soutenir l’effort. Ainsi, le moteur arrière reste alimenté en permanence, tandis que le moteur avant intervient pour renforcer la traction dans les fortes pentes.
De plus, cette configuration offre une sécurité supplémentaire : en cas de problème sur l’un des moteurs, l’autre peut prendre le relais, garantissant ainsi la continuité du déplacement.

Les capteurs

Les données de vitesse et de freinage doivent être transmises à chacun des deux contrôleurs des moteurs pour assurer une gestion optimale. Pour ce faire, j’ai conçu des hubs optocouplés permettant de transmettre les informations à chaque contrôleurs évitant ainsi l’installation de capteurs pour chaque moteur. Pour le moteur pédalier il y a en plus un capteur de déraillement câblé séparément. Cette information n’est pas nécessaire pour le moteur arrière.

Pour l’orientation automatique des panneaux, j’ai conçu un capteur de lumière capable de diriger automatiquement les panneaux vers la zone la plus lumineuse du ciel. Ne trouvant pas de capteur suffisamment compact dans le commerce, j’ai dû le réaliser moi-même.

Les régulateurs solaires

J’utilise trois régulateurs, un pour chacun des trois panneaux solaires. Là encore, un MOSFET de puissance permet de sélectionner ou non la charge des batteries. Le coffret qui abrite les régulateurs est ventilés.

Le microcontrôleur

C’est un mini-ordinateur qui communique avec les périphériques tels que l’éclairage, le vérin électrique ou la ventilation via un panneau de commande et les capteurs. J’ai choisi un modèle « Arduino Nano ». Bien que des copies fonctionnelles soient disponibles pour moins de 5 €, je privilégie les modèles originaux d’ARDUINO.CC, légèrement plus chers, entre 10 et 25 €.

Pour utiliser ce microcontrôleur, il est indispensable de le programmer, ce qui nécessite une connaissance du langage C. Sans programmation, il est totalement inopérant… Je ne détaillerai pas cet élément, mais il est essentiel pour offrir une grande souplesse. Grâce à son programme évolutif, il permet d’ajuster facilement la réception des ordres et l’envoi des commandes aux périphériques. Ce programme, spécifique à mon trike, n’est pas adaptable à une autre configuration. Pour cela, il serait nécessaire de revoir intégralement le programme.

Les « Cycle Analyst »

Ces appareils, conçus par Grin Technologies, sont incontournables pour suivre la consommation électrique de mon trike. C’est quasiment un appareil de laboratoire. J’en utilise deux:
– celui de gauche gère le moteur arrière, sa température, la limitation de vitesse, ainsi que la récupération d’énergie lors des descentes et des freinages.
– celui de droite contrôle uniquement la consommation du moteur avant et supervise la charge solaire.
Configurable tout les deux via un PC, il offre une multitude de possibilité. Bien que non indispensable, il se révèle précieux pour ceux qui souhaitent optimiser leur consommation et améliorer les performances de leur engin. Ils permettent également de détecter rapidement une anomalie, évitant ainsi qu’elle ne devienne critique.
Sur la photo vous pouvez aussi apercevoir, à gauche, l’écran de contrôle de l’Arduino avec ses boutons rouge et vert.

Le câblage

J’ai largement utilisé des câbles multibrins ultra-flexibles à isolation en silicone pour les courants forts. Ces câbles se distinguent par leur exceptionnelle souplesse et offrent une résistance remarquable sur les plans thermique, électrique et mécanique.

Tous les connecteurs de ces câbles sont des modèles XT90 ou XT60, reconnus pour leur fiabilité.

Les protections

Tout les circuits sont protégés soit par des fusibles soit par des disjoncteurs. En particulier sur chacune des boites contenant les batteries il existe un disjoncteur étanches 30 A étanche.
Pour les fusibles se sont des modèles que l’on retrouve dans les voitures.

Les pneumatiques

Pneus Marathon Plus Tour de la marque Schwalbe, réputés pour leur excellente résistance.

Freinage et suspension

J’ai trois freins à disque et à câble de marque Avid sur mon trike. Entretien plus facile quand on se trouve loin de tout. Les deux freins avant montés sur des disques de 160 mm et étrier sont d’origine. Il n’y avait pas de frein sur la roue arrière. Je l’ai rajouté avec un étrier de la même marque et un disque de 180 mm.
Les deux suspensions avant sont en élastomère. La roue arrière avait d’origine une suspension à ressort et amortisseur. Je l’ai remplacé par une suspension pneumatique de marque RockShox bien plus agréable et évite tout talonnage. J’ai repris la pression de cette suspension environ tout les 5000 km
Changement de plaquette tout les 8 à 10000 km. Usure accéléré sur le freinage arrière. Grâce au freinage régénératif , l’usure des plaquettes est moindre.

Transmission

Plateau à l’avant de 44 dents et à l’arrière une cassette 9 vitesses de 11/36 dents. Chaine constituée de 3 chaînes bout à bout de marque KMC e9. Dérailleur d’origine de marque Shimano.

Retour d’expérience

Toute réalisation a son lot de pannes, qui ne sont pas là pour décourager, mais plutôt pour progresser et obtenir un engin encore plus performant. Tout d’abord, la transmission. C’est elle qui m’a posé le plus de problèmes, étant une partie toujours en mouvement et donc davantage sollicitée.

Transmission

Au cours de 12.000 km de voyage, tous les soucis rencontrés démontrent que la transmission doit être vérifiée très régulièrement:

• Une casse de chaîne due à un tube de protection qui s’était désolidarisé et est venu coincer la chaîne, provoquant un déraillement, puis la rupture d’une attache rapide. J’ai tout de même dû remplacer ma chaîne environ après 8000 km en raison de son allongement dépassant la valeur préconisée. Il est à noter que les moteurs pédaliers contribuent en partie à cet allongement, car ils sollicitent davantage la chaîne. Pour cette raison, j’ai limité la puissance du moteur pédalier à 300 W.

• Le desserrage de la vis de maintien de la poulie de renvoi de la chaîne sous le siège. Cela a entraîné un désaxage de la poulie et un léger pliage de la vis de maintien. Ce point doit être vérifié régulièrement.

• Un desserrage d’une vis de fixation du plateau.

• Un manque de précision dans le passage des vitesses du dérailleur.

Roues

J’ai rencontré quelques soucis avec les rayons de ma roue arrière . Heureusement, l’expertise de Guillaume Devot (Grin Technologies Europe) a permis de les résoudre rapidement. Les rayons s’étaient détendus et, bien que je les aie retendus moi-même, cela n’avait pas suffi, car je pensais, à tort, qu’ils étaient suffisamment tendus. Les chemins souvent en mauvais état que j’ai empruntés exigeaient un contrôle régulier de la tension des rayons. Malgré cela, je n’ai cassé « que » trois rayons sur l’ensemble du périple.

Pneus

Mes pneus de la marque Schwalbe ont fait preuve de leur excellente résistance. Mon pneu arrière était usé à 80 % et mes deux pneus avant à 40 %, sans subir la moindre crevaison tout au long du trajet.

Points à améliorer

Évolutions